21 août — Projet

Depuis moins d’un mois il était prévu qu’à la rentrée nous irions enseigner au lycée franco-libanais de Habbouche-Nabatieh ; à Manille nous venions de laisser aux déménageurs, qui attendent encore notre feu vert pour les expédier, les cartons où ils ont inscrit “for Lebanon”. Rentrés le 11 juillet en Touraine, nous avons appris la guerre presque aussitôt, et attendons depuis de savoir si/quand aura lieu la réouverture de l’école.

Pendant des heures j’ai fait défiler la 12, la 10, la 50, la 52, la 201, la 200, à me demander ce qu’il y avait à côté de l’immeuble détruit ou derrière, à imaginer ce que voyait aussi en parlant le reporter qui tournait le dos aux ruines, ce à quoi il rêvait dans sa chambre, ou bien quelles paroles précédaient et suivaient celles, gênées, de l’interviewé de circonstance. Derrière ces images et ces paroles cathodiques, qu’est-ce qui circule là-bas, en dehors des têtes et dedans ? Avoir vécu “loin” pendant 6 ans m’a permis de mesurer à quel point choisit celui qui filme, commente, explique : de l’autre côté de ses mots, en amont et en aval, on comprend autre chose. Il y a justement tout le reste.

Ce que je cherche, donc, ici :

- essayer de toucher à ce dont la télévision m’a frustré : parler, donner à lire en cherchant à contourner le piège de croire comprendre ou de pouvoir expliquer, et en essayant de rester modeste — arriver naïf au milieu de ceux qui connaissaient l’avant, ou qui connaissent déjà, et tenir un discours qui vaille.

- Réfléchir : s’arrêter régulièrement dans sa vie pour s’y mettre, évacuer le discours seulement privé, et avec la pesée hypothétique des critiques, ne juger qu’en limitant le choix de dire à dire ce qui résiste à sa compréhension au moment d’écrire, avec le pari que ça peut gagner le lecteur.

- Construire, et viser peu à la fois pour pouvoir être lu en entier : relire et choisir les mots.

- Illustrer : pas seulement se livrer au goût de promener un appareil photo ou une caméra, mais aussi (se) rendre des comptes en jouant avec la gêne, les décalages que ce geste procure (par anticipation de ce qu’il révélera ou de ce qu’il manquera).

- Relier : mettre à profit le métier de prof pour les rencontres qu’il permet, pour l’approche de ce qu’il y a dans les têtes, pour les liens qu’il permet de faire, mais aussi ce que par respect des gens il impose de réserve, de mesure et de compromis.

- Sans doute aussi avoir moins peur d’aller à Nabatieh, et par l’existence du blog (ou de son idée) se sentir moins isolé, voire protégé.

Première définition de contraintes :

Pour cerner le sujet :

- un thème lié à ce/ceux qu’on rencontre dans les lieux qu’on traverse en allant enseigner à Nabatieh : quelque chose qu’on a “relevé, vu, et lu”, ou entendu. Si c’est un rêve ou une fiction, qu’il y ait quand même un lien une une résonance.

- Que ce qui soit mentionné relève de l’infra-ordinaire, et que soit autant que possible proscrit ce que j’ai déjà vu montrer ou dire.

Pour donner une forme :

- Inclure une image, si possible faite maison. Chercher le lien, y compris si c’est par absence apparente de lien, par contraste.

- Ecrire un texte d’une page (ou de deux défilements d’écran)... Renvoyer par des liens aux éventuels développements.


Pour tenir le rythme :

- Ecrire en un temps limite d’environ une heure.

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