8 février — Ma fi karaba


Véro a participé à une distribution d'anoraks dans quatre écoles publiques de la région ; l'une d'elle avait été touchée pendant la guerre de juillet dernier, et paradoxalement ça a permis de construire une salle supplémentaire (une salle de physique) ; dans les autres écoles, le dénuement ; dans toutes (y compris la nôtre), des affiches
de prévention contre les mines. L'opération, à laquelle des personnes du Lycée Protestant de Beyrouth se sont jointes, était organisée par le comité de solidarité du Lycée franco-libanais de Habbouche, à partir de collectes.


Pas d'isolation... Il a beaucoup plu ces derniers temps, et le vent du sud nous tombait dessus après avoir balayé les fermes de Chebaa, couvertes de neige. Dans les maisons, on a froid (chez nous, 11-12°) ; ceux qui ont un petit poële à mazout ("soubia") peuvent chauffer une pièce pendant la journée, d'autres (comme nous) utilisent les chaufferettes sur roulettes, où on loge une bouteille de gaz. On se couche en crachant de la buée. Pour lire au lit, on alterne les mains pour éviter le refroidissement de celle qui tient le livre. On arrête l'ordinateur quand le doigt
se raidit sur la souris.

Depuis bientôt 2 jours il ne pleut plus, et dès que le vent du sud cesse, la sensation de froid s'atténue très vite. Mais on a de moins en moins d'électricité
: 45 minutes le matin par-ci, une ou deux heures le soir, ou l'après-midi, et un peu plus la nuit (4 ou 6 heures)... En arabe libanais l'électricité a un nom de sorcière, qu'on invoque le plus souvent pour déplorer son absence ("ma fi karaba" : il n'y a pas d'électricité), ou pour annoncer son retour ("fi karaba") – dont on ignore toujours s'il durera les 2, 4 ou 6 heures que l'habitude des horaires alternés nous fait prévoir (ou désirer).

Les coupures prolongées se répercutent sur le chauffe-eau, et l'un des premiers réflexes, le matin, c'est de vérifier
s'il y a eu de l'électricité la nuit en faisant couler quelques instants. Ensuite, allumer les deux chaufferettes à gaz (l'une dans le couloir, l'autre dans la cuisine), orienter celle du couloir vers la porte de la salle de bain ouverte – pour faciliter plus tard le déshabillabe et la douche. En allumant dans la cuisine, regarder sur la porte du frigo si le petit carré bleu est allumé ou pas. Dès que l'électricité revient, si on est à la maison, on en profite pour lancer une lessive – qui parfois, interrompue, reste coincée plusieurs demi-journées de suite, alors il faut recommencer pour éviter que le linge une fois séché ne sente la vieille serpillière. S'il pleut, on suspend à l'intérieur, parce que dehors ça se trempe. On comprend l'utilité des grands rideaux extérieurs sur les balcons, mais les nôtres ont été déchirés par le souffle de l'explosion du pont, l'été dernier.

On se débrouille, et on est mieux lotis à Habbouche que dans les villages du sud où l'électricité ne vient que 2h par jour, quand elle vient. Le lycée dispose d'un générateur très puissant, on peut chauffer. Nous avons un "UPS" : une batterie de camion branchée sur un transformateur et qui permet d'avoir au moins de la lumière et l'ordinateur.

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