30 mai — Un réservoir / bukra inch'Allah


Nisrine nous avait invités à deux reprises dans sa famille à Tripoli et dans la province d'Akkar, au nord. Elle m'a donné récemment un CD avec les photos stockées dans son appareil. Au cours d'une promenade, nous étions descendus dans un immense réservoir d'eau, vide alors : écho, impression d'être au fond d'une immense chasse d'eau, avec la menace (fantasmée) qu'elle se remplisse brutalement : Côme court d'un coin à l'autre, manque de disparaître dans une énorme conduite. Assez vite, il veut remonter.


L'unique issue percée dans ce plafond est aussi la seule source de lumière. Tout semble rappeler qu'on est ici pas à sa place. Je ne sais pourquoi ça me fait aussi penser au Dépeupleur.


Tout à l'heure, en sortant du dernier cours en 1ère S avant l'écrit, je croise dans la cour Achraf et Mustapha - à qui je propose une industrielle gaufrette au chocolat, et qui s'empresse de me donner du pain épicé, bien meilleur. Comme depuis peu, on entend (on perçoit) la langue, je m'y essaie davantage qu'au début, autant par jeu mimétique et légèrement moqueur, que par plaisir de voir les changements que ça produit effectivement dans les relations :Yalla-bye, a bukra (Allez, bye, à demain - on enchaîne le "yalla" et le "bye" en un seul mot, en assourdisant les a, je durcis l'accent à dessein pour faire rire)Inch Allah !Ah oui c'est vrai, pardon ! "a bukra, nch'Allah"...On ne dit pas le futur, chez nous, on dit le futur PLUS inch Allah.
C'est une badinerie, mais elle révèle le fait qu'ici on s'habitue réellement à sentir que l'avenir n'est pas un futur, que toute pensée de "futur" est d'abord un hypothétique.


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