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Affichage des articles du décembre, 2006

11 janvier — Vous voyagez pendant les vacances, Monsieur ?

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Aaita El-Chaab Jusqu'au dernier quart d'heure on avait joué le jeu d'une rentrée ordinaire, avec des cours qui rentrent dans les cadres : "argumenter, convaincre, délibérer, persuader", "problématique", "relever", "noter dans la partie ceci ou la partie cela"... parce qu'après la guerre il fallait un retour à la normale, ou plutôt à la norme. Le dernier quart d'heure, les élèves m'ont demandé si je "voyageais" pendant les vacances — ici on ne part pas en voyage parce qu'en arabe un seul mot suffit — et j'ai demandé ce qu'ils avaient envie de raconter après un été de guerre, suivi d'une rentrée tardive, et d'un trimestre sans vacances jusqu'à Noël, avec 6 jours de cours par semaine pour "rattraper". Ce qu'il reste, entre autres, maintenant que la semaine de rentrée est presque finie : N. qui raconte comment, "au début de l'école", les missiles explosai

23 décembre — Derniers quarts d'heures

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Le jour où on s'en va pour les vacances de Noël, on emprunte le pont désormais réparé et asphalté... on rejoint l'école où nous attendent quelques collègues avec lesquels nous avons loué en commun un van. Il est midi : plus de Syriens venus attendre un emploi à la journée (ils sont là quand on passe vers 7h45). Après Saïda, on a la bonne surprise de pouvoir emprunter un tronçon d'autoroute qui était encore fermé la veille au soir, aux dires de ceux qui y étaient passés à ce moment là. Tous les ponts ne sont pas réparés pour autant, et dans cette ascension vers le nord, on passe les trois installations provisoires mises en place par l'ONU (je crois). Ralentissements, bruit de ferraille et de bois à chaque traversée, klaxons. À la sortie du dernier, le panneau "vive la France / Vive Chirac" est là depuis que nous sommes arrivés. On longe assez longtemps le camp de Chatila avant d'accéder à la zone de l'aéroport. Sur cette autoroute, co

17 décembre — Trompe-l'oeil (au pluriel)

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En regardant les abords du four de souffleurs de verre, sur la route de Tyr, on pense à la guerre. Et pourtant c'est seulement parce qu'on  nous a dit que, là où on se trouve, elle a eu lieu ; arrivés après , on ne l'a pas "vue", on n'a que cela qu'on croit en savoir : la fumée et le désordre parmi le métal et le béton. Cette photo comme un trompe-l'oeil. Mais pourquoi est-ce qu'on y pense, alors ? Parfois ce sont les déminages : plus qu'un simple bruit de pétard, c'est le mouvement de l'air et l'impression que le sol a vibré ; et pourtant ce n'est "qu'une" sous-munition : on ne peut pas savoir ce que ça peut bien faire, un pont, un immeuble, une route qui sautent. D'autres fois encore c'est le fait qu'il y ait eu des débuts de panique chez les élèves, à l'école, lorsqu'à la carrière, en contrebas, on faisait descendre un pan de montagne. Pas le bruit, donc, mais le mouvement du sol ou de l

8 décembre — Un aller-retour à Beyrouth

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Il a fallu aller à la direction générale de la Sécurité Générale à Beyrouth, pour essayer de faire prolonger notre visa de travail, mais sans avoir encore de permis de travail (parce qu'il n'est pas signé par le ministre démissionnaire...). Nous serions quelques milliers dans le même cas. Sur l'autoroute, à l'approche de Beyrouth, une grande affiche de Nasrallah avec le bras levé (recto/verso). Sur certains ponts reconstuits (pas tous... il faut faire de nombreux détours, surtout aux alentours de Saïda) , un bandeau : "whith your patience, defeat has gone" . Lorsque nous arrivions fin octobre, l'entrée de Beyrouth était quadrillée par des images de soldats, avec le slogan en arabe, anglais et français : " la victoire divine" . On y est allés pour rien, à la Sûreté : on est passé d'un bureau à l'autre, d'un batîment à l'autre, d'une fouille à l'autre, pour finir dans un petit bureau avec deux hommes en treillis qui no

7 décembre — Une dépêche à la loupe, parmi tant d'autres

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Ce soir Véro est sortie deux fois pour chercher à voir d'où venaient le discours et les bruits de foule. On reconnaît la voix désormais parce qu'on nous l'a signalée à plusieurs reprises : Nasrallah parle ce soir sans doute sur tous les postes de télévision du quartier ou presque, à 20h30. L'information, pour nous qui ne parlons pas arabe et n'écoutons pas la radio, circulait oralement : d'un seul coup, à la récréation, on entend dire que "ce soir on en saura plus parce que Nasrallah va faire un discours ", et ce n'est pas un "on-dit" mais une certitude. À cela on mesure autant l'efficacité du "téléphone arabe" (qui avait fait office d'agence immobilière quand nous cherchions à nous installer) que la profondeur du soutien populaire, puisque c'est apparemment ce moyen là qui fonctionne pour beaucoup. Chacun devient, qu'il soit admirateur, ennemi de ce monsieur ou simple indifférent, un vecteur de l'informatio

5 décembre — Aoun, Corm, et autres façons de voir

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C'est compliqué : entre ce que disent les profs qui viennent de Beyrouth tous les matins, ce que disent ceux qui sont du coin, ce que disent les élèves, excités par ce qui est en train de se passer, ce que dit la presse locale, et surtout ce qu'on n'entend raconter ni à la télé ni à la radio ni dans les dépêches... On commence par se méfier. Par exemple hier ce monsieur francophone qui, entre deux bouchées de son sandwich, m'explique en détail (chez le marchand de poulet où il m'aborde, après m'avoir entendu demander en français comment on dit "poulet" en arabe — et j'ai déjà oublié) pourquoi il accuse directement d'ingérence les Etats-Unis. Un peu plus tard, je lis une dépêche (AFP ou AP ou Reuters) sur Internet, qui relate froidement qu'une nouvelle guerre déjà annoncée pour l'été 2007, et que certains hommes de pouvoir la présentent déjà comme une conséquence inévitable (faut-il comprendre "juste" ? "punitive"

3 décembre — Saïda ter

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On voulait aller à Tyr ( "voir la mer", dit Côme, qui veut absolument que je fasse pipi dedans)  mais il faudrait paraît-il une autorisation du consulat. Ragot ? Peu importe, on retourne dans le souk de Saïda. Sur la route on croise des voitures décorées de drapeaux, des bus, qui descendent à Beyrouth, où la manifestation continue. On descend pendant une dizaine de kilomètres, les oreilles se bouchent. Lorsqu'on passe au pied de la propriété de Nabih Berri, on sait qu'on est bientôt "en bas" ; il va falloir contourner le pont détruit qui nous permet de rejoindre une section d'autoroute, qui sera à nouveau coupée peu avant Saïda. Beaucoup de ponts sont cependant presque reconstruits. Curieusement c'est au Japon que certaines ruelles du souk me font penser, du fait sans doute de l'étroitesse de certains passages, des échoppes, de l'artisanat, et de la tranquillité industrieuse qui règne — le dimanche est un jour creux. Beaucoup de sunnites

1er décembre — Quelles manifestations ?

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Pour entendre l'extrait enregistré (par l'appareil photo) qui accompagne l'image, cliquer ici . Si vous pouvez traduire, merci de le faire dans les commentaires. Vue du balcon, hier : la rue, l'épicier d'en face ; c'est un jour de grande manifestation à Beyrouth. Les cours ont fini plus tôt (11h), pour permettre à ceux qui habitent Beyrouth de rentrer sans encombres avant 15h. La mobilisation est très sensible depuis la veille : le village se vide, les haut parleurs des mosquées diffusent des discours — où j'arrive à distinguer quelques mots "de-mo-cra-si-ya", "lou-bnan" (Liban), etc. On est prié par l'ambassade de se tenir tranquille. Je regarde les sites de journaux et les dépêches sur Internet, avec l'impression qu'on n'aboutit qu'à un automatisme simpliste : "pro" ou "anti" syrien, et tout serait dit... Ce matin, toutefois, je tombe sur un court article du Figaro qui rapporte quelques parol