5 décembre — Aoun, Corm, et autres façons de voir


C'est compliqué : entre ce que disent les profs qui viennent de Beyrouth tous les matins, ce que disent ceux qui sont du coin, ce que disent les élèves, excités par ce qui est en train de se passer, ce que dit la presse locale, et surtout ce qu'on n'entend raconter ni à la télé ni à la radio ni dans les dépêches...


On commence par se méfier. Par exemple hier ce monsieur francophone qui, entre deux bouchées de son sandwich, m'explique en détail (chez le marchand de poulet où il m'aborde, après m'avoir entendu demander en français comment on dit "poulet" en arabe — et j'ai déjà oublié) pourquoi il accuse directement d'ingérence les Etats-Unis. Un peu plus tard, je lis une dépêche (AFP ou AP ou Reuters) sur Internet, qui relate froidement qu'une nouvelle guerre déjà annoncée pour l'été 2007, et que certains hommes de pouvoir la présentent déjà comme une conséquence inévitable (faut-il comprendre "juste" ? "punitive" ?) si Siniora devait démissionner.


Alors que je voudrais ne pas seulement me méfier mais aussi comprendre, je me retrouve à douter de plus en plus profondément de ceux qui sont supposés expliquer : pourquoi ai-je l'impression si vive que ce que j'ai sous les yeux et dans les oreilles dément les explications des grands médias ?


Du côté de ceux qui ont parfois tendance à facilement s'autoproclamer "indépendants", et sans aller jusqu'à tout prendre au pied de la lettre, je suis en tout cas conforté dans l'idée d'un simplisme dangereux chez les "dépendants".


Par exemple, j'ai enfin pu lire le discours du général Aoun prononcé le vendredi, jour de la grande manifestation, et je m'étonne qu'il n'ait été nulle part cité dans les dépêches, ni sur les site du Monde, du Figaro, de Libération, de l'Orient le jour. Ce que dit le général serait-il complètement faux ? Agirait-il par pure ambition politique ? Serait-il un "prosyrien" qui se déguise ? Ou pas du tout, il serait de totale bonne foi ? Qui croire ?


Repris sur plusieurs sites, un article de Georges Corm : Hezbollah et Israël, aux sources du conflit. Le début de l'article analyse la façon dont on prétendait déjà, pendant la guerre de l'été 2006, expliquer ce qu'est le Hezbollah. Ce qui me saute aux yeux c'est la façon dont il reconstitue en quelques lignes la seule explication — ou presque — fournie jusqu'ici à la télévision, à la radio, dans la presse. Si l'auteur la dénonce très clairement, je la vois pourtant encore se répéter inlassablement sur Internet, et l'imagine déjà décuplée sur la télé et à la radio — aux heures où l'on mange et où l'on écoute d'une oreille mi-attentive, mi-distraite par la nourriture et l'anticipation des tâches à venir.


J'ai beaucoup plus peur de ces clichés (qui semblent déjà nous préparer aux prochains bombardements) que de mes nombreux voisins commerçants qui ont chez eux le portrait de Nasrallah.

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